L’innovation au pouvoir

Ou comment l’exploitation de la donnée contribue à l’amélioration des services publics

Face à un contexte de plus en plus complexe et à des enjeux allant grandissant, le séminaire Smart Governance de FuturoCité a donné la parole à une série de porteurs de projets et de start-ups qui ont développé des solutions qui améliorent, parfois révolutionnent, la manière dont le “service public” est pensé et délivré. Fait relativement nouveau, l’initiative et le projet imaginé viennent aussi des équipes communales ou d’organismes publics qui, eux-mêmes, avec l’aide de consultants ou de jeunes sociétés novatrices, s’attèlent au chantier de leur “transformation”.

Voici donc une petite panoplie d’initiatives que nous classerons en deux catégories, par ailleurs complémentaires. Les projets de start-ups d’un côté (les “extra muros”) et les projets imaginés par les instances publiques, de l’autre (les “intra muros”)

Les projets extra muros

Stoomlink

Thématique

la mobilité

Le contexte

Dans l’espace public – urbain ou autre -, la mobilité est devenue un véritable enjeu et défi.

Cela a suscité un véritable appel d’air pour une pléiade de nouveaux acteurs qui ambitionnent d’opérer en parallèle aux services de transport organisés par des acteurs publics et aux modes de déplacement privés et individuels traditionnels. Voitures et vélos partagés, location ponctuelle de vélos (électriques ou non), de trottinettes, de scooters, bientôt sans doute des services de véhicules autonomes… sont autant de nouveaux modes et modèles de transport qui viennent complexifier le paysage et, en même temps, offrir de nouvelles possibilités de mobilité.

A condition de pouvoir orchestrer au mieux la manière dont chacun s’en saisit.

La solution

Stoomlink est une solution de gestion de mobilité multimodale qui, via une application mobile et un site Internet, procure des informations en temps réel sur les possibilités de services s’offrant à un individu, dans son voisinage immédiat et pour ses propres besoins (destination, durée, empreinte environnementale…).

Imaginée par le studio digital nextmoov (émanation de la société NextRide), la solution a été développée en collaboration étroite avec les quatre opérateurs publics belges (SNCB, TEC, STIB et De Lijn) mais dans un esprit de multi-modalité allant bien au-delà des modes de transport qu’ils proposent pour englober tout autre moyen de transport – voitures, vélos, trottinettes…

Le concept est celui de l’information multi-modale, hyper-locale, personnelle, contextualisée et multi-paramètres (temps d’attente, temps de parcours, informations sur les perturbations…) de chacun des modes et réseaux de transport couverts et intégrés dans l’application.

Outre le service à quiconque veut optimiser ses modalités et conditions de déplacement, la solution constitue une source d’informations utile pour les responsables publics et les divers acteurs, publics ou privés, du territoire, soulignait Ivan Lecerf, responsable du développement commercial pour Stoomlink. “Ils disposent en effet ainsi d’un riche gisement de données permettant de dégager des indicateurs et d’analyser les conditions de mobilité, d’identifier les points de contention, de définir de nouveaux services ou politiques de mobilité, de prédire des risques de dégradation de la mobilité.”

 

Solutions Belfius / Smart Business Services

Belfius (Smart Business Services) a développé, notamment avec des partenaires locaux, divers outils permettant d’exploiter de manière nouvelle voire innovante les gisements de données dont disposent les administrations communales.

En voici quelques exemples:
  • Symia, développé avec BizzDev, est un outil de simulation et de prévision budgétaire, permettant notamment à une commune d’évaluer l’évolution de son budget, en ce compris par comparaison avec celle d’autres communes ou selon les exigences posées par les autorités de tutelle
  • WanApp, un outil d’aide à l’élaboration et à l’uniformisation du PST (Programme stratégique transversal), à la définition de tâches (centralisation des projets, calcul de l’impact financier) et à l’établissement des rapports qui sont fournis aux décideurs ; l’outil peut également servir de moyen de communication pour les membres du conseil de l’action sociale
Et quelques autres encore:

Lors de son exposé, Philippe Dedobbeleer, responsable du développement commercial Marketing public & Corporate banking chez Belfius, citait encore quelques applications déployées par certaines administrations communales afin d’améliorer leur gestion par le biais de solutions axées sur une exploitation nouvelle des données publiques:

  • BrightKnight (Bruxelles), spin-off de Belfius, développe des processus d’automatisation numérique sur mesure pour les communes, entreprises et organisations publiques et privées. Spécialisée dans les solutions RPA (Robotic Process Automation), elle conçoit des logiciels robots qui automatisent des tâches administratives répétitives. Exemples? Lire les données d’une feuille de calcul, les comparer à une base de données, produire et archiver un rapport et l’envoyer en pièce jointe par e-mail ; sécuriser les procédures par le biais de l’automatisation ; scanner et vérifier automatiquement les factures…
  • Hoplr (Gand) est une start-up dans laquelle a investi Belfius qui se qualifie de “réseau social privé de quartier” ; elle a développé une application gérant les échanges d’informations entre habitants d’un même quartier ou d’une même rue. L’un des scénarios possibles est la constitution d’une sorte de tableau de bord d’opinions pouvant informer le collège communal
  • Koalect (Rixensart) a développé une plate-forme de collectes de fonds (crowdfunding) pour asbl, écoles, club de sports, mouvements de jeunesse, troupes de théâtre, centres culturels ; au-delà de la levée de fonds participatifs, la plate-forme permet de valider et de vérifier l’attractivité que représentent les décisions ou projets communaux
  • LetsGoCity (Liège) et sa solution Wallonie en Poche, pour la diffusion contextualisée et consolidée d’informations de proximité sur une grande variété de thématiques (décisions communales, services d’utilité publique, activités culturelles, mobilité, enseignement, activités des commerces…)
  • Buck-e, une solution de mobilité imaginée par la commune anversoise de Bonheiden, concrétisée par The Studio (labo d’innovation de Belfius) et Flow Pilots (Anvers). La solution vise à motiver et à récompenser les enfants qui se rendent à l’école par des moyens de mobilité douce (vélo…) en leur octroyant des “ducats” (jetons virtuels validés par blockchain) qu’ils peuvent échanger contre des bons valables dans les commerces locaux mais aussi dans les musées, centres sportifs…

 

Les projets intra muros

Ride & Buy – Commune de Hannut

Thématique

Mobilité et animation du centre-ville

Le contexte

Hannut voulait rendre son centre-ville plus attractif et favoriser le commerce local en favorisant la mobilité douce.

La solution

Le projet imaginé, en collaboration avec des étudiants de plusieurs écoles secondaires de l’entité, consiste dans le développement d’une application mobile baptisée Ride & Buy qui combine gestion de vélos partagés, cartographie des zones dédiées à la mobilité douce et conseils d’itinéraires idéaux via mobilité douce.

Les usagers seront encouragés à recourir à ce mode de transport par le biais de récompenses (bons d’achat, réductions…) à échanger dans les commerces locaux.

L’usage des données

“Le but est notamment de mieux sensibiliser les usages, d’induire des comportements favorables au climat”, indiquait Amélie Debroux, directrice générale et responsable smart city pour Hannut.

Mais ce projet est aussi un levier de changement de mentalité et de méthode de la part des responsables communaux locaux. “Une réflexion, en mode collaboratif, a été engagée non seulement avec les commerçants et les futurs utilisateurs, afin de décider de la meilleure implantation pour les parkings à vélo, mais aussi avec tous les services municipaux. Nous avons adopté une méthodologie agile pour la gestion du projet. Tous les services de l’administration communale ont été impliqués. Ce projet nous permet de nous familiariser avec une nouvelle démarche et de sensibiliser le politique aux enjeux de demain, d’intégrer le réflexe collaboratif au sein de tous les services de la ville.”

 

Les camions-sentinelles – BEP

Thématique

Gestion du territoire

Le contexte

Au départ du projet “Camions-Sentinelles”, il y avait le désir de l’intercommunale BEP de mieux cartographier et documenter la couverture réelle du territoire des provinces de Namur et de Luxembourg en termes de connectivité et de haut débit télécom, afin d’obtenir une vision plus précise des “zones blanches” ou “grises”.

Le souhait était de pouvoir procéder à un diagnostic précis sans devoir déployer des moyens exceptionnels et de pouvoir le faire dans la durée.

La solution

Imaginé de concert par le BEP, l’UNamur, l’intercommunale Idelux et mis en oeuvre en collaboration avec les communes de Viroinval, de Gedinne et de Profondeville, le projet Camions-Sentinelles consiste à transformer les camions-poubelles en véhicules collectant une foule de données.

Ils présentent l’avantage d’opérer chaque semaine, couvrant largement les territoires des provinces de Namur et de Luxembourg, sous la responsabilité du BEP pour la collecte et le traitement des déchets. Leur couverture du territoire est donc régulière, complète et n’implique pas de coûts de déploiement de véhicules supplémentaires.

L’usage des données

Pour ce qui est des données collectées, la finalité première (cartographie de la connectivité sur le terrain) a été validée avec l’IBPT mais ne sera qu’une des utilisations potentielles des “camions-sentinelles”.

Ils embarqueront en effet un hub de capteurs multi-usages intégrant diverses technologies (3G/4G, GPS, LoRA, accélérateurs…) de telle sorte que divers acteurs (publics, privés) puissent y installer des capteurs et dispositifs de collecte de données de différents types, souligne François Laureys, gestionnaire de projets Smart cities au BEP. Exemples? L’état ou l’encombrement des routes et voiries, les conditions météorologiques, la qualité de l’air, le taux ou type de pollution, le relevé de compteurs d’énergie dans la zone…

“C’est potentiellement un super outil pour illustrer ce qu’on peut faire des données. Comme par exemple prédire l’évolution de la qualité des voiries et mieux connaître son territoire.”

Les données récoltées seront injectées dans le portail open data du BEP, ainsi mises à disposition des communes de la Province. Pour les informer et les inspirer…

 

Ville de Namur

Thématique

Gestion du territoire

La solution

En juin 2019, la Ville de Namur a rajouté un volet à son portail open data y publiant les données statistiques socio-démographiques concernant les quelque 46 quartiers de la Ville et couvrant la période 1985-2019. Cette rubrique Population a été structurée en six thèmes: évolution de la population, évolution par groupe d’âge, par nationalité (belge, provenant de l’Union européenne, hors UE), population par état civil, par commune, par quartier.

L’usage des données

Il devient ainsi possible, par exemple, d’évaluer l’adéquation des services disponibles par rapport à la typologie du quartier ou de s’adonner à de la prospective: services d’aide à domicile, priorisation des services communaux ou de secours en fonction de l’âge des habitants, simulation d’implantations de nouveaux magasins ou écoles…

Parmi les jeux de données que la Ville prévoit d’ores et déjà de mettre en ligne sur son portail, citons les données d’accès aux bâtiments publics ou privés pour les PMR (personnes à mobilité réduite), les géodonnées des cimetières, les données de fréquentation de l’e-guichet ou d’espaces touristiques…

 

Smart Heating Connection – Commune de Plombières

Thématique

Efficience énergétique

Le contexte

Comme toute commune, Plombières doit veiller à la bonne gestion d’un certain nombre de bâtiments relevant de son autorité (bâtiments communaux, écoles, installations sportives…) et à une gestion optimisée des performances énergétiques de ces bâtiments.

La solution

Dans le cadre de l’appel à projets Smart Territoire de Digital Wallonia, la commune a imaginé un projet de surveillance des consommations énergétiques (mazout, gaz, électricité, eau) de ces bâtiments, non seulement afin d’en optimiser les consommations mais aussi pour mettre en oeuvre une réelle comptabilité énergétique, procéder aux améliorations techniques nécessaires et sensibiliser leurs usagers et occupants à une consommation plus judicieuse.

Le projet consistera dans le déploiement de capteurs et de sondes, l’installation de vannes et prises connectées télé-pilotables, la mise en oeuvre d’une plate-forme web ainsi que d’une application comportant une dimension de gamification, afin de sensibiliser de manière ludique et attractive les utilisateurs – notamment les enfants des écoles mais aussi les membres et invités d’asbl ou autres “locataires” ponctuels des bâtiments.

L’usage des données

La solution inclura également des fonctions d’alertes et de notifications en cas de consommation anormale et mettra en oeuvre des algorithmes pour optimiser les consommations et les temps de chauffe, en fonction par exemple des caractéristiques inertielles du bâtiment ou des conditions météorologiques. A terme, une intégration avec l’agenda devrait permettre de planifier encore plus précisément les plages horaires énergétiques selon l’utilisation réelle qui est faite des bâtiments.

Le projet, souligne Pierre Crutzen, conseiller en énergie à Plombières, permettra d’objectiver et de sensibiliser les occupants des bâtiments sur certains comportements et consommations excessives par rapport aux besoins réels mais aussi de procéder à une facturation transparente et précise là où, jusqu’à présent, le principe utilisé était souvent celui du forfait.

 

Territoire dynamique – Igretec

Thématique

Gestion du territoire (mobilité et logistique)

Le contexte

Parmi ses attributions, l’intercommunale Igretec (Charleroi) déploie des activités en matière de conception et de suivi des voiries et réseaux d’égouttage de son territoire (création et amélioration de voiries, places, carrefours, ronds-points, parkings, travaux sur les aires de circulation, les réseaux d’égouttage, les abords, le mobilier urbain, l’éclairage public, etc.)

Tout chantier de construction, d’aménagement ou d’intervention a immanquablement un impact sur la mobilité.

La solution

Dans le cadre de l’appel à projets Smart Territoire de Digital Wallonia, l’intercommunale a déposé un projet visant la mise en oeuvre d’un outil de visualisation et de traitement des données portant sur des chantiers, tant privés que publics, et d’analyse de leur impact sur la mobilité. Il intégrera par ailleurs les informations concernant les divers impétrants (gestionnaires des réseaux d’eau, gaz, télécommunications…) qui, souvent, planifient ou peuvent planifier leurs propres chantiers en fonction de ces travaux d’infrastructure.

Sources de données potentielles

Igretec, les divers impétrants, les 29 communes de l’agglomération de Charleroi, la POWALCo (Plateforme Wallonne de Coordination, qui reprend les données et les demandes pour l’ensemble des chantiers publics liés aux impétrants ( eau, électricité, gaz, télécommunications etc.)), …

L’usage des données

L’intégration et la centralisation de toutes ces données devrait permettre de donner naissance à une cartographie dynamique, évolutive dans le temps, procurant des informations temps réel, multi-thématiques, à toute une série d’acteurs: administrations communales, prestataires de services d’utilité publique, urbanistes, responsables de l’aménagement du territoire, citoyens (qui, à terme, pourraient alimenter eux-mêmes la cartographie en informations collectées individuellement dans leur entourage ou contexte personnel).

“Aux données de la CoWalCo, portant sur la gestion de chantiers d’impétrants, on peut envisager d’ajouter les données des communes (gestion des déchets, cadastre, transports en commun…), des informations citoyennes passant par exemple par l’application BetterStreet…”, indique Marine Keresztes, chargée de projets Smart Territoire chez Igretec.

“Nous voulons en faire un outil adaptable en fonction de besoins spécifiques, veiller à la pérennité des données afin qu’elles puissent être utilisées dans de futurs scénarios, rendre les données exploitables par différentes plates-formes…”

 

BiomMap – GAL Meuse@Campagnes, Wasseiges

Thématique

Gestion environnementale

Le contexte

La biodiversité, en ce compris dans les zones rurales, est en souffrance. Les problèmes et potentiels sont en outre mal documentés. Le GAL Meuse@Campagnes a dès lors considéré qu’il était utile de quantifier le maillage écologique existant, ses caractéristiques, lacunes et possibilités d’amélioration. L’objectif est par ailleurs d’identifier des zones propices pour renforcer ou recréer un maillage écologique, que ces zones se situent dans des espaces publics ou privés.

La solution

Des données existent certes, concernant la biodiversité, les cultures, la nature des sols, l’aménagement foncier… mais demeurent parcellaires et incomplètes. Elles sont en outre souvent dispersées, consignées dans des formats ou sur des formes difficilement exploitables.

Le projet BioMap du GAL consiste donc à rendre ces données exploitables et à les enrichir et compléter via croisement avec d’autres sources de données. Non seulement celles de la Région wallonne, et d’organismes tels que Natagora ou le réseau Natura 2000 mais également en impliquant les citoyens – simples particuliers, agriculteurs, chasseurs… – en mode crowdsourcing afin de récolter et d’agréger des données sur les haies, parcelles, îlots arbustifs…

L’usage des données

“La cartographie open data, participative, que nous voulons mettre en place peut être un outil intéressant pour les communes dans le cadre du pilotage de leur PST et servir de point de repère pour son évaluation, un outil d’aide à la décision pour les acteurs locaux, un outil d’informations puissant pour les agriculteurs mais aussi un instrument de sensibilisation, de vulgarisation et d’implication pour le citoyen”, explique Jean-Pierre Trésegnie, chargé de mission au GAL Meuse@Campagnes.

 

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