Villes et communes intelligentes, territoire connecté, smart region. Autant de termes de plus en plus présents, qui sous-entendent une évolution, transformation ou transition vers un environnement renouvelé, rendu plus efficient et pertinent pour tous ses acteurs.
Certes les définitions d’une “smart city” ou d’un “smart territory” varient. Celle qui est privilégie en Wallonie est celle retenue par le Smart City Institute, centre d’expertise de HEC Liège. A savoir :
“un écosystème de parties prenantes (gouvernement local, citoyens, associations, entreprises multinationales et locales, universités, centres de recherche, institutions internationales, etc.) engagé dans un processus de transition durable (vision stratégique et/ou projets innovants concrets), sur un territoire donné (urbain ou plus large), en utilisant les nouvelles technologies (numériques notamment) comme facilitateur, pour atteindre ces objectifs de durabilité (développement économique, bien-être social et respect environnemental).”
Si les définitions varient, tous les angles d’attaque et perspectives proposés présentent un point commun fondamental : s’il n’y avait cette “ressource” et cette finalité essentielle qu’est le citoyen ou l’usager, de tous ces “smart-quelque-chose” n’auraient pas de sens ou de pertinence.
Voilà pourquoi, FuturoCité, en collaboration avec l’Agence du Numérique et de Digital Wallonia (1), avait choisi le thème de la “gouvernance” et de l’interaction avec le citoyen comme thème de son séminaire.
Les enjeux
S’il y a eu un jour nécessité d’imaginer le concept de “smart”, de se projeter vers un avenir où les notions de durabilité, de stratégie territoriale responsable, d’implication et de co-action prennent une nouvelle dimension, c’est en raison des multiples défis auxquels font face nos espaces de vie – qu’ils soient à finalité privée, publique, professionnelle, industrielle, récréative ou autre.
Nicolas Installé, directeur de FuturoCité, rappelait ces enjeux en guise d’introduction de la journée : urbanisation exponentielle, modifications démographiques (flux aléatoires motivés par divers facteurs, vieillissement…), problèmes de mobilité, de qualité ou pérennité environnementale, d’instabilité climatique, de santé, de continuité et qualité des circuits alimentaires, de sécurité (physique, sociétale, cyber-menaces) …
L’urgence quotidienne des villes et territoires est de se donner le plus possible les moyens de faire face et, si possible, d’anticiper ces défis. Se pose dès lors la question de la compréhension des phénomènes qui se préparent ou se manifestent déjà mais aussi celle du dialogue avec les différentes parties prenantes dont parle la définition du Smart City Institute. Ces parties prenantes ont, elles-mêmes, des priorités, des préoccupations, mais aussi des attentes et des “comportements” différents.
L’une de ses “parties prenantes” est bien évidemment le citoyen.
Trop souvent, rappelait Nicolas Installé, une déconnexion s’est instaurée entre la “cité” et le citoyen. Manque de dialogue, décisions prises sans concertation ou sans prise en compte des intérêts du citoyen, évolution dans deux bulles qui ne se parlent pas et qui semblent entraînées dans des espaces-temps désynchronisés. L’appropriation de la révolution numérique en est un exemple éloquent : “le citoyen est bien souvent “branché” alors que le processus est bien plus lent du côté des communes, des administrations…”
Si la technologie n’est pas le seul déterminant, le seul outil de la “smart city” – comme de nombreux intervenants de la journée allaient l’expliquer et le démontrer -, elle n’en est pas moins l’une des composantes à ne pas négliger, un levier d’action et de dialogue “intelligent” entre cité et citoyen.
Une ville intelligente, c’est… des prises de décisions mieux éclairées et davantage co-construites, des services publics plus transparents et qualitatifs, des ressources mieux exploitées et réutilisées, une gestion plus durable des énergies, une connectivité omniprésente et bien dimensionnée, des modes de mobilité intégrés et éco-responsables … Liste non exhaustive et dont les différents éléments peuvent / doivent se marier selon un ordre et un agencement qui dépendront de chaque territoire.
Le séminaire a par ailleurs été organisé avec le support de Belfius, Letsgocity, Votick, Betterstreet, Citizenlab, Fidecity et Flui.city.
« Smart gouvernance ». Une définition
Thème central du séminaire, la “smart gouvernance” nécessite, elle aussi, une définition préalable.
Le concept de gouvernance fait allusion à l’art de “bien gouverner”. Il désigne un “ensemble de mesures, de règles, d’organes de décision, d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’un Etat, d’une institution ou d’une organisation, qu’elle soit publique ou privée, régionale, nationale ou internationale.”
Mais la “smart gouvernance” telle qu’on l’entend dans un contexte de “smart city / smart territory” inclut aussi une dimension, souvent oubliée par le passé, de ré-ouverture vers de nouveaux “lieux” et acteurs de la réflexion, de la prise de décision et de l’évaluation, ainsi que la mise en œuvre de nouveaux modes de pilotage ou de régulation, qui sont plus participatifs, égalitaires, éthiques et souples.
“Les projets doivent nécessairement répondre aux besoins des destinataires de ces projets et services”, rappelait Nicolas Installé. Et pour cela, il est impossible de négliger ou de faire l’impasse sur le dialogue, “l’interaction avec la société civile, les entreprises, les indépendants, les start-ups… Il s’agit de remettre le citoyen au coeur du fonctionnement de la cité.”
Pour ce faire, soulignait-il encore, il faut construire une communication efficace, multiplier les canaux (forums, plates-formes, réseaux sociaux, chatbots…) afin de n’exclure personne, en avoir une connaissance suffisante pour les utiliser à bon escient. Il faut être davantage à l’écoute des besoins exprimés, encourager la participation citoyenne pour co-construire les décisions, mettre les données des instances publiques à disposition (selon le principe des open data) – ce qui procurera non seulement de la matière au dialogue et à la participation aux décisions mais qui ouvrira également la voie à la (co-)conception de nouveaux services.
Autre bonne pratique à inclure dans la démarche : la cohérence, la transversalité, la construction d’une stratégie à long terme. Tous éléments qui encouragent villes, communes et territoires à repenser leurs principes de décision collégiale, la “culture” de leurs propres mandataires, et à trouver le “mouton à 5 pattes” qui pourra gérer ou coordonner le tout, qu’on le désigne sous l’appellation de Smart City Manager ou tout autre statut apparenté.
Les outils de dialogue et d’interactions
Tout au long de cette journée de séminaire, différents acteurs sont venus présenter des solutions autorisant une interaction dynamique entre cité et citoyen.
Premier exemple : la plate-forme de “vote” de Votick qui permet par exemple à une commune de recueillir les avis de sa population, totale ou segmentée (par catégorie d’âge, zone de résidence, intérêt thématique…). Les formes de sollicitation sont variées : campagnes de question, sondages, messagerie instantanée.
“L’avantage pour une commune”, explique Axel Timmermans, fondateur de Voxline, “est qu’elle définit les règles du dialogue, ce qui est impossible sur les réseaux sociaux. Elle maîtrise le flux, décide du timing et du contenu, peut déterminer les thèmes.”
Plusieurs types de “supports” peuvent être utilisés : déclenchement de questions via QR code, communications via 3G/4G, connexion sans-fil, SMS, site Internet…
Baliser le dialogue ou l’ouvrir à toutes sollicitations ?
Selon les solutions qui seront choisies, les villes et communes ont la possibilité d’ouvrir toutes grandes les portes du dialogue avec le citoyen ou de filtrer et baliser le type d’échanges qui pourront avoir lieu.
Quelques exemples ?
Proposer des canaux de vote et de sondage permet de (mieux) déterminer les thèmes et questions qui seront débattues.
Les outils de type Forums, Espaces de proposition peuvent être scénarisés pour des sujets de discussion disparates ou, au contraire, spécifiques. Ils supposent la mise en œuvre éventuelle (non obligatoire mais parfois nécessaire) d’un mécanisme de “modération”, afin de ne recueillir que des contenus cohérents avec le but recherché.
Plusieurs de ces solutions de participation et d’inclusion citoyenne existent désormais, imaginées par des start-ups telles que Fluicity ou CitizenLab.
Aubange a opté pour la solution de Fluicity. Sa plate-forme de participation citoyenne permet de créer divers types d’espaces et de “canaux” entre les citoyens et leurs mandataires (appli mobile, portail Web, chatbox, boîte à idées, espace de proposition de projet participatif…) tandis que, côté pouvoir local, les responsables disposent d’un tableau de bord, leur permettant d’analyser les contributions (via filtres, outils de segmentation…), de procéder à des calculs statistiques et génération de rapports, d’évaluer l’impact des actions…
Les cas d’usage sont déjà nombreux à Aubange, expliquait Nicolas de Briey, co-fondateur de Fluicity : proposition de projets et décision par un jury citoyen ; dialogue et implication proactive des citoyens qui réagissent à d’autres propositions pour les commenter ou faire préciser ; analyse des propositions pour mieux comprendre les attentes des citoyens ; co-construction de projets ; informations sur les décisions prises par la commune…
DIXIT
Frank Van Steenwinkel (Fidecity) donne quelques conseils pour une participation citoyenne efficace : “Ecouter le citoyen avant de parler. Comprendre pour être compris. Réfléchir avant d’agir.”
A Mons, le choix s’est porté sur la solution de CitizenLab. Dans le prolongement des premiers ateliers participatifs qu’avait organisés la Ville dans le cadre de Mons 2015, Capitale européenne de la Culture, une nouvelle initiative a été prise afin d’imaginer des projets urbains à l’horizon 2025.
Pour toucher et impliquer un public plus large, la Ville a fait appel à CitizenLab et à sa solution de participation citoyenne qui permet aux citoyens de soumettre des idées de projets dans toute une série de thématiques (mobilité, commerce, sécurité, culture, environnement…).
Tout citoyen peut ainsi visualiser toutes les propositions, les commenter et les compléter éventuellement, voter pour celles qui le convainquent le plus. Il peut aussi suivre l’évolution des projets, s’ils sont sélectionnés, selon une ligne de temps jusqu’à leur concrétisation.
De son côté, la Ville dispose d’outils pour déterminer les thèmes les plus populaires, identifier les quartiers les plus demandeurs ou contributeurs, vérifier si certaines activités promouvant la plate-forme ont un effet sur le nombre d’idées déposées… Il est même possible, sur base des informations demandées lorsqu’un contributeur s’inscrit sur la plate-forme, de réaliser une analyse socio-démographique : moyenne d’âge, tranches d’âges les plus actives en consultation ou commentaires…
DIXIT
Nicolas Himmer, Smart City Manager pour la Ville de Namur : “Il faut repositionner la ville comme un acteur parmi d’autres (institutions, acteurs académiques, entreprises, citoyens, touristes…). Mais cela signifie aussi que la ville doit lâcher du lest par rapport aux processus décisionnels et qu’il faut motiver et activer tous les autres acteurs.”
Via les réseaux sociaux, les espaces commentaires seront ou non modérés. La question épineuse de la réaction à avoir en cas de propos déplacés ou déplaisants devra être gérée le plus intelligemment possible. Nicolas Druez, responsable communications à la ville de Marche-en-Famenne, active sur Facebook, a ainsi témoigné de sa propre expérience.
La régulation des échanges vient souvent des citoyens eux-mêmes, certains réagissant et faisant se tarir des propos trop excessifs ou non pertinents.
Si le nombre de contributeurs et “amis” est insuffisant, cette régulation ne se fera pas et la commune devra alors veiller au grain.
Parmi les conseils à retenir, qui permettent d’endiguer les dérapages, citons le soin mis dans la formulation des posts et des réponses – “être précis, le plus complet possible” – ou le fait de ne pas alimenter la polémique en choisissant de répondre en message privé.
Les outils de signalement – exemple typique, la solution BetterStreet qui permet de signaler des problèmes dans l’espace public (dépôt clandestin, dégradation de la voirie…) – sont-ils un instrument qui va provoquer une déferlante de plaintes et signalements qui vont inonder, terrasser les équipes techniques communales ?
Fleurus, qui y a recours depuis plus de 2 ans, a au contraire constaté une amélioration de son efficacité, en termes d’intervention, et une meilleure structuration de son fonctionnement. “Nous sommes plus réactifs et, avec le temps, sur base des signalements et des informatiques pratiques qu’on peut en tirer, nous pouvons mieux anticiper et planifier les interventions”, soulignait Loïc D’Haeyer, échevin des Travaux publics.
Le citoyen, lui aussi, y trouve son compte. “Sur les réseaux sociaux, la critique est facile. Le fait de basculer l’espace de discussion vers un outil tel que BetterStreet permet d’endiguer la chose. Qui plus est, le citoyen a la satisfaction de s’être impliqué.” Et est apaisé puisqu’il est tenu au courant de l’évolution du problème.
Chaque signalement étant automatiquement géolocalisé et illustré par une photo, il est possible de déterminer l’urgence, les moyens à mettre en œuvre, d’éliminer les signalements redondants. L’identification (terminologique) claire du problème permet en outre d’aiguiller efficacement la demande, tant en interne, au sein des services communaux, qu’à destination d’un tiers (police, GRD, intercommunale…).
DIXIT
Loïc D’Haeyer (Fleurus) : “Sur les réseaux sociaux, la critique est facile. Le fait de basculer l’espace de discussion vers un outil tel que BetterStreet permet d’endiguer la chose. Qui plus est, le citoyen a la satisfaction de s’être impliqué.”
Réseaux sociaux
Qu’on les aime ou non, les réseaux sociaux – en particulier Facebook et Twitter – sont devenus des espaces de dialogue et d’expression citoyenne incontournables.
Plusieurs études récentes, dont celles de FuturoCité et de l’UVCW (Union des Villes et Communes de Wallonie), ont démontré que les citoyens s’y expriment et s’en servent de plus en plus pour s’informer ou réagir à ce qui se passe dans leur commune.
Une page Facebook d’une commune est ainsi, pour eux, un moyen de s’informer sur les faits, gestes, activités et décisions de la commune, un outil qui est deux fois plus consulté que le site Internet communal.
Si Facebook est, de loin, le réseau social le plus utilisé par les communes, d’autres gagnent en importance. Notamment YouTube, en raison du poids croissant de la vidéo comme instrument de communication.
D’autres demeurent encore quasi oubliés alors même qu’ils pourraient permettre de toucher d’autres tranches de la population. Par exemple, Instagram ou Snapchat, très en vogue auprès des jeunes générations.
Les communes exploitent-elles pour autant “intelligemment” les réseaux sociaux ? L’étude récente de FuturoCité a révélé quelques lacunes. Ainsi, elles ne surveillent et analysent pas suffisamment ce qui se dit à leur sujet sur d’autres “pages” et forums que ceux qu’elles éditent elles-mêmes.
Autre utilisation insuffisante : profiter de ces canaux sociaux pour solliciter les réactions, avis et propositions du citoyen. Trop souvent encore les réseaux sociaux servent uniquement à signaler des événements ou activités. La culture du dialogue et de la réelle discussion doit encore être apprivoisée – souvent par manque de connaissances et compétences au sein de l’administration. Les communes se disent d’ailleurs très demandeuses de formations et de retours d’expérience de leurs homologues.
Les réseaux sociaux, outil viral
Facebook et consorts ont comme avantage de donner une image de proactivité et de dynamisme aux communes qui y ont recours.
Marche-en-Famenne était venue témoigner de l’usage qu’elle en fait et des leçons utiles à partager avec ses consœurs.
Un “post” consistant en une photo sympa ou, de plus en plus appréciée et source de partages, une petite vidéo, associée à un petit texte éloquent, peut devenir “virale”, grâce aux relais des amis et suiveurs. Et étendre dès lors la notoriété de la ville ou commune, renforçant le sentiment d’appartenance pour les habitants mais attirant aussi potentiellement de nouveaux curieux (futurs résidents, touristes, clients…).
La régularité est une condition sine qua non de fidélisation et de curiosité. Et ce ne sont pas les occasions qui manquent de se manifester : fête locale, inauguration, classe verte d’une école, bâtiment ou espace vert à mettre en évidence…
Autre condition sine qua non : motiver et impliquer tous les services communaux.
La viralité peut évidemment avoir son revers lorsqu’elle suscite des réactions négatives. Mais, on l’a vu plus haut, de petits “trucs” permettent de les parer, du moins en partie.
Les réseaux sociaux, une mine d’informations… à décrypter
Ce qui se dit sur les réseaux sociaux peut ressembler à un tohu-bohu indéchiffrable. S’y exprimer n’implique pas qu’on sera lu et entendu. Pour ne pas disperser ses efforts, quelques règles de base s’imposent.
Exemple : identifier, viser et attirer avant tout les “influenceurs”, ceux qui forgent ou influencent l’opinion, qui ont des pelotons de “suiveurs” et d’“amis”. “Ce sont eux qui pourront amplifier la communication que fait une commune sur tel ou tel sujet”, souligne ainsi Frank Van Steenwinkel, directeur de Fidecity.
En recourant aux bons outils d’analyse, il est par ailleurs possible de retirer une mine d’informations utiles sur ce qui se dit sur les réseaux sociaux à propos d’une commune. Par exemple, les thèmes et sujets dont parlent surtout ses habitants ou les personnes qui la visitent (problème de trafic, organisation de congrès, événement culturel…), la hiérarchie des réseaux sociaux où le nom de la ville ou commune apparaît le plus, ou encore la langue des internautes qui en parlent (la commune apparaît-elle surtout dans des posts en français, en anglais, néerlandais, espagnol, chinois… ? – info utile pour identifier les gens qui s’y intéressent et peuvent être séduits par elle).
Les réseaux sociaux, outil de visibilité… à gérer activement
Le succès a toujours son revers. Plus nombreux seront les échanges sur les réseaux sociaux, plus ils se perdront dans l’anonymat de la masse.
Pour être sûr d’acquérir une visibilité pertinente et manifeste sur les réseaux sociaux, plusieurs bonnes pratiques et “ficelles” doivent être activées.
C’est ce qu’était notamment venu expliquer la société namuroise Universem. “Il s’agit de fournir au citoyen le contenu qu’il attend, au bon moment, avec des messages pertinents, peut-être moins nombreux mais plus qualitatifs”, selon Hugues Villeret, directeur marketing.
Les commentaires et posts dits “organiques”, c’est-à-dire qui ne sont pas mis en avant via des techniques de référencement payant, ne sont repérés que par une personne sur huit. “Autrement dit, il y a de fortes chances que vous ne touchiez pas les bonnes audiences – les touristes, par exemple. Pour toucher les bonnes audiences, il faut investir dans les social ads.” Facebook mais aussi YouTube proposent toute une série de formats publicitaires, qui peuvent s’avérer intéressants.
Reste à bien définir ses cibles. Et la chose est possible en analysant par exemple les comportements (réactions) d’“amis” dont on a par exemple capté l’attention en créant une page (landing page) spécifique et éphémère, par exemple à l’occasion d’un événement.
Une bonne stratégie de contenus est indispensable pour toucher les bonnes cibles. Ces contenus seront différents selon le profil de la cible visée. Sur YouTube, par exemple, il faut distinguer trois types de profils :
- les “navigateurs” (internautes qui cherchent du contenu au hasard)
- les “abonnés” (des internautes qui sont déjà fans mais veulent approfondir leur connaissance de la ville ou de la commune)
- et les “prospecteurs” (des internautes qui recherchent une aide ou un service spécifique).
Une stratégie de contenus se décline aussi en plusieurs phases : teasing, amplification, fidélisation. Et ses résultats doivent nécessairement être mesurés et évalués à l’aide d’indicateurs de performances (nombre de vues, d’utilisateurs uniques, durée du contact, nombre de clics, impact en termes d’achats, de prises d’abonnement, de réservations sur le terrain, de visiteurs sur tel site ou événement…).
DIXIT
Hugues Villeret (Universem): “Pensez à votre “social karma”. Analysez, sur Facebook, comment les gens notent, parlent de tel ou tel quartier. Cela permet de déterminer comment nourrir leur appétence, prendre des mesures correctrices, identifier des points d’amélioration.”
Si tout cela peut paraître compliqué, qu’il s’agisse de définir le bon rythme, la “stratégie” de communications sur les réseaux sociaux, ou de réussir à être “visible”, un recours pour les villes et communes – tout au moins dans le domaine touristique – est de faire appel aux “ANT”, Animateurs Numériques de Territoire.
Mis à disposition par le Commissariat Général au Tourisme, ils sont là pour conseiller, encadrer, effectuer de la veille, former, pointer vers les bonnes pratiques (publication, publicité, référencement…).
Une manière de bénéficier de leurs conseils au quotidien ? Les suivre… sur Facebook évidemment!
Les chatbots, des assistants…pas forcément « intelligents »
Les chatbots – ou “agents conversationnels” virtuels – deviennent des intermédiaires de dialogue entre, d’une part, le consommateur ou citoyen et, de l’autre, des sociétés, des marques, des prestataires ou, pour le propos qui nous occupe, les acteurs publics.
Pourquoi, par exemple, ne pas recourir à des chatbots pour fournir des renseignements sur les services publics, les horaires des écoles, crèches, collectes de déchets…, l’offre touristique ou hôtelière locale, l’offre de moyens de transports alternatifs… ?
Le but recherché, de la part de ceux qui les déploient, est de rendre le dialogue plus fluide, naturel, pertinent. De répondre aux besoins et questions, voire de les anticiper. Mais le tout est de rendre ces chatbots réellement efficaces. Gare aux scénarios mal construits, ou manquant de souplesse, aux algorithmes bancals, aux scripts de dialogues qui n’aboutissent qu’à de l’incompréhension.
La technologie fait des progrès mais la maîtrise du langage naturel, l’efficacité des interfaces vocales et l’inclusion de mécanismes d’apprentissage automatique, côté “agent conversationnel”, doivent encore être améliorées.
DIXIT
Thomas Gouritin (TomG Conseils): “Le chatbot est un programme informatique. Sa force réside dans la donnée exploitée et la puissance des algorithmes.”
Une utilisation pertinente de l’intelligence artificielle permettra de doter le chatbot d’une capacité d’adaptation par rapport aux spécificités des sollicitations et du contexte. Rien de pire qu’un algorithme qui croit répondre à tous les cas d’espèces et n’évolue pas.
Le concept-même d’apprentissage automatique implique d’enrichir, d’affiner et/ou de personnaliser les éléments du scénario conversationnel.
Voici quelques petites règles de base que Thomas Gouritin (TomG Conseils), spécialiste de la conception de chatbots, propose pour élaborer un chatbot qui remplisse au mieux sa mission :
- imaginer et scénariser un avantage utilisateur pertinent et indiscutable ; pour cela, il faut partir du besoin mais aussi d’une connaissance précise de la “cible”
- maîtriser les scénarios et concevoir une expérience fluide, avec un dialogue, des conseils et réponses pertinents et une bonne dose de personnalisation (chaque cas ayant ses spécificités)
- prévoir l’imprévu et ajouter une dose de langage naturel
- rendre son bot sympa et l’expérience ludique ; conditions sine qua non: mise en forme “sexy” des données, choix du bon “ton”, richesse de contenu (textes, images, vidéo…), fluidité de la “conversation”
- bien choisir sa solution technique
- faire tester, re-tester et tester encore… par de vrais utilisateurs.
Document-référence: le livre blanc “Les chatbots à l’épreuve du test: Ont-ils vraiment de la conversation”, rédigé par Thomas Gouritin. Disponible en téléchargement sur le site www.tomg-conseils.com
Le portail-citoyen, accélérateur de démarches
La dématérialisation de processus administratifs permet à une commune de mettre un certain nombre de documents à disposition de ses citoyens, pour les télécharger, compléter et restituer via un “guichet électronique”. Le citoyen y gagne en temps de déplacement. L’agent municipal, pour sa part, est déchargé d’une somme non négligeable de tâches qui dévorent son quotidien.
Sébastien Castiaux, responsable informatique de la Ville de Tournai, a présenté les premières réalisations dématérialisées ainsi proposées aux citoyens : commande de documents (actes de naissance, de mariage, de décès, certificats de nationalité, de résidence, composition de ménage, extrait de casier judiciaire…), demandes d’autorisation pour l’organisation d’événements et, en interne, gestion électronique du courrier.
Pour favoriser l’adoption de ces outils “sans contact”, la Ville a veillé à impliquer, dès le début, à la fois les agents et les citoyens. Ces derniers ont ainsi pu tester les outils avant leur mise en ligne définitive, donner leur avis au travers de forums-citoyen organisés de concert avec l’Eurometropolitan e-Campus, en ce compris selon le principe d’une amélioration permanente (même après mise en service).
Deux autres aspects fondamentaux pour l’adoption et l’utilisation des nouveaux outils n’ont pas été oubliés : pour le citoyen, un design qui tient compte de la fluidité de l’“expérience utilisateur” ; pour les agents, une assistance à la gestion du changement.
Les open data, le nerf de la guerre
Inclure à nouveau le citoyen dans le dialogue, lui donner l’opportunité de proposer, de commenter, de participer à la construction d’une décision ou d’une stratégie à long terme, implique de lui communiquer non seulement des informations mais aussi de lui donner accès à un nombre optimal de données.
Le principe des “open data” suscite encore craintes et inquiétudes, côté service public. Notamment en raison d’un sentiment de perte de contrôle ou de “pouvoir”. Mais comme le soulignait Pascal Poty, expert de l’Agence du Numérique, “les communes ont des données qu’elles pensent devoir garder pour elles-mêmes afin d’en conserver la maîtrise alors qu’en réalité, elles n’en font rien.”
Mettre des open data à disposition n’est pas forcément un chantier digne de Sisyphe. Certains types de données sont quasi anodins. Des exemples ? Les horaires d’ouverture d’une école, d’une crèche, d’une piscine communale, de commerces, d’administrations. Les agendas de collecte des déchets et encombrants. Ou encore la localisation des bulles à verre. Les communes mais aussi les intercommunales disposent ainsi de jeux de données qui peuvent être très utiles, comme simples sources d’informations ou comme ingrédients pour le développement de nouveaux services, solutions ou applications.
Mutualiser ressources, idées, bonnes pratiques et conseils
Côté intercommunales, Idelux (Luxembourg) et le BEP (Namur) se sont ainsi engagés dans une démarche proactive. Le BEP, par exemple, est en phase de déploiement de plusieurs outils: un portail open data; un espace de consultation et de forums sur des sujets thématiques (www.g1idee.be); un outil de mise en relation entre acteurs professionnels (solution Shapr); et une plate-forme de crowdfunding réservée au (co-)financement (public-privé) de projets sociaux, culturels ou associatifs.
Le BEP testera ces outils pour son propre usage dans un premier temps mais se propose de les mutualiser à terme avec les entités locales qui seraient intéressées.
Idelux, pour sa part, joue la carte de la mutualisation à un autre niveau. Opérant dans un territoire essentiellement rural, avec de petites entités communales ne disposant pas en interne des compétences nécessaires pour parler d’égal à égal avec les fournisseurs, l’intercommunale a désigné une personne-ressource qui joue les intermédiaires et les relais entre prestataires et mandataires locaux.
Sa démarche consiste à sensibiliser les bourgmestres, à faire le bilan des besoins et des initiatives déjà réalisées pour ensuite proposer aux responsables municipaux une hiérarchie de projets prioritaires, “un plan concret, une ligne directrice évitant de s’éparpiller et de changer trop souvent de direction”, souligne Benoît Muller, chef de projets Smart City chez Idelux.
Un autre acteur ne doit pas être perdu de vue dans un paysage “smart city / territory” qui est en quête de repères, de bonnes pratiques, d’expertise et d’assistance. Belfius déploie, depuis quelques années, des services de financement de projets (avec même un concours annuel à la clé) mais aussi des services de conseils et d’accompagnement.
Ce sera encore le cas à l’avenir, avec la promesse de mettre encore plus l’accent sur les initiatives “smart” digitales. Une nouvelle ligne bancaire, bénéficiant du label BEI, sera reconduite. Avec comme slogan: non plus la “smart city” (certes, les territoires plus ruraux n’étaient pas oubliés) mais la dimension “smart Belgium”.
L’offre de services de conseils et d’accompagnement aux villes et communes sera pérennisée, touchant des domaines tels que la connectique, les plates-formes de participation, les solutions de services administratifs “4.0” ou de gestion de l’espace public. Mais aussi du conseil devant aider les pouvoirs locaux à apprivoiser de nouvelles technologies telles que le blockchain qui pourrait par exemple garantir une gestion sécurisée de l’enregistrement de données d’état civil et des démarches administratives dématérialisées.
L’exemple le plus récent et séduisant de ce que la mutualisation et les open data peuvent permettre pour les citoyens mais aussi pour les acteurs locaux est sans doute l’appli mobile Wallonie en Poche, conçue par la start-up LetsGoCity. Elle fait office de portail mobile, personnalisable selon les besoins de chacun, et rassemble un ensemble de micro-services à finalité locale : informations sur les services publics, e-guichet, mobilité, infos sur les commerces, les activités culturelles, notification d’incivilités…
Le but est de structurer une offre de services réellement pertinente. “Il existe une multitude d’applications visant les communes et les citoyens. Toutefois, sur son smartphone, un usager utilise généralement maximum 10 applis, dont seulement 2 ou 3 sont à finalité locale. Et encore sont-elles souvent celles de géants du Net”, souligne Pierre Labalue, co-fondateur et directeur de LetsGoCity. “Le but de Wallonie en Poche est de faire rentrer les multiples solutions locales dans la dizaine d’applis qui sont réellement utilisées.”
Elle est d’ores et déjà disponible pour déploiement par les 262 communes wallonnes, avec branding personnalisé. Demain, elle deviendra aussi le relais de l’e-guichet des communes, grâce au support de la solution d’identification sécurisée Itsme.
LetsGoCity fut la première signataire de la Charte Smart Region (Charte pour le Développement d’applications mobiles multi-services) qui vise à définir un cadre de bonnes pratiques et de valeurs pour le développement et l’offre de micro-services mutualisables et complémentaires.
La technologie n’est pas tout
La définition de “smart city” que privilégie le Smart City Institute le dit : les technologies, numériques notamment, ne sont qu’un “facilitateur”, “pour atteindre les objectifs de durabilité – économique, sociale, environnementale”.
Impliquer et (re)donner la parole aux citoyens est avant tout une démarche, une “culture”. Les plates-formes et outils numériques sont des vecteurs intéressants, en raison de leur souplesse, immédiateté et variété, mais ils ne sont que des leviers qui doivent reposer sur une volonté participative et des relais bien concrets sur le terrain.
A Mons, par exemple, le projet Demain Mons (horizon : 2025) n’a pas fait l’impasse sur les réunions en présentiel dans les quartiers et les animations de groupes de discussion sur le terrain.
C’est également le principe que fait sien le Hub Créatif “Creative Valley”, au travers d’ateliers, de conférences, de séances de brainstorming et de co-création.
Son mot d’ordre ? “Partager l’expertise de tous – professionnels, indépendants, artistes, “makers”, enseignants, créatifs… – pour booster la dynamique locale.” Du foisonnement d’idées (divergence) peuvent ainsi naître des projets plébiscités et porteurs d’adhésion (convergence).
Autre exemple de ce genre de structure animée par des citoyens : CitizenClan, une association d’“innovateurs citoyens”, tous bénévoles, “qui partagent une même ambition : celle de redonner le pouvoir et la capacité aux citoyens de s’approprier, d’imaginer, de concevoir et d’expérimenter des innovations en adéquation avec les problématiques, les besoins et les attentes citoyennes du territoire”, expliquait Ali Benfattoum, président de l’association. L’asbl se veut ouverte à tous – citoyens mais aussi TPE, PME, grands groupes, collectivités, acteurs académiques…
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Ali Benfattoum (CitizenClan): “reconnecter des mondes qui ne se parlent plus.”
Le but : remettre l’initiative et les outils entre les mains des citoyens – “ne pas leur vendre du poisson mais leur apprendre à pêcher” – et éviter que les projets soient conçus “hors sol” et aboutissent à des “solutions” qui ont coûté cher et ne sont pas utilisées…
“Cela diminue la frustration du citoyen face à des applis et services généralement pensés comme des usines à gaz qui ne rencontrent pas leurs besoins. Cela fédère les compétences de chacun, rationalise la dépense publique et évite au système économique local de faire des erreurs. Les expérimentations sont innovantes, participatives, frugales, libres et éphémères. Les services imaginés, eux, sont réellement utiles, efficients et pérennes.”
L’initiative vient du citoyen, sur une problématique qu’il a lui-même identifiée. Il s’implique dans la création d’une réponse concrète, sert de cobaye, s’implique avec d’autres au sein de “tiger teams”, prototype l’idée. Vient ensuite, une fois le périmètre clairement défini, la recherche de partenaires commerciaux pouvant l’implémenter voire même en faire bénéficier d’autres communautés.
Exemples de solutions imaginées au sein de CitizenClan ? Une borne interactive sans contact qui déclenche des vidéos explicatives sur du mobilier proposé à la vente, une cartographie des initiatives et projets citoyens, un capteur de présence qui surveille le taux d’occupation de locaux culturels ou sportifs, un chatbot qui renseigne sur les heures d’ouverture des services municipaux, les places en crèche, les bons plans “zéro déchet” et peut faire office d’interface de sondage…
L’ambition de CitizenClan est de pousser encore plus loin le principe de la co-construction citoyenne, jusqu’à faire naître des “citizen entrepreneurship studios”, où naissent de manière plus systématique – et encadrée – des initiatives citoyennes.
Nicolas Himmer, Smart City Manager pour la Ville de Namur, estime lui aussi qu’une plate-forme de participation citoyenne ne se limite pas à une solution en-ligne. “Une participation citoyenne effective suppose la mise en œuvre de multiples outils, pas seulement virtuels. Cela inclut aussi d’autres dimensions, telles qu’un soutien aux comités de quartier, l’organisation de réunions citoyennes thématiques et, côté pouvoir local, une interrogation régulière sur ses grands projets.”
Chimay, pour sa part, est un bel exemple d’entité qui a su impliquer ses citoyens et les associations locales sans pour autant recourir à la technologie.
La commune réserve un budget pour un appel à projets soumis par les habitants et les associations. Leur sélection est faite par les citoyens et eux seuls. Les projets qui l’emportent sont réalisés par la commune. En contrepartie, les citoyens qui ont lancé et défendu les idées retenues s’engagent à en assurer la pérennité.
En l’espace de deux ans, 43 projets ont été financés via ce “budget participatif” et ont déjà été réalisés à plus de 90%.
La technologie n’est donc pas tout. Elle peut même être contreproductive si des bases saines et solides ne sont pas posées au préalable et certaines conditions remplies. Pascal Poty, expert à l’Agence du Numérique, soulignait par exemple l’importance d’obtenir le soutien actif des autorités décisionnaires pour tout projet de participation citoyenne. “Sinon, la technologie ne sera jamais qu’une pièce rapportée. Ajouter une couche numérique sur de vieux processus ne peut que conduire à l’échec. Il faut par ailleurs toujours penser “un coup plus loin” parce que les choix technologiques deviennent rapidement obsolètes.”
Nicolas Himmer confirme cette analyse : “Même s’il doit avoir des connaissances de base en technologie, un Smart City Manager doit avant tout comprendre la manière dont un groupe de personnes et de départements fonctionnent. Plus qu’être un technologue, un Smart City Manager doit avant tout avoir des notions de sciences sociales.”
Autres qualités requises ? “Être un bon communicateur et pédagogue. Un facilitateur pour faire se rencontrer les demandes. Savoir convaincre mais, pour cela, être soi-même convaincu de l’atout que représente l’innovation.”
DIXIT
Nicolas Himmer (Ville de Namur) : “Il faut accorder trois temps différents. Celui de la technologie qui est de l’ordre de 6 mois. Celui du politique, qui est de 6 ans. Et le temps de l’administration, qui est très élastique. Entre-temps, la technologie est passée à autre chose. Il s’agit donc surtout de convaincre le politique que la technologie n’est pas la bonne porte d’entrée pour faire des territoires intelligents. Ce qui compte avant tout, c’est l’intelligence des citoyens et des acteurs. La vraie porte d’entrée est celle de l’innovation et de la co-création avec les citoyens.”
Autre condition : travailler de manière transversale, impliquer toutes les équipes, tous les services d’une administration municipale “afin de changer les pratiques.”
Nicolas Himmer : “Si un un Smart City Manager doit être un bon démineur, il doit aussi pouvoir poser des bombes pour décloisonner les départements.”
Ce concept de transversalité est également appliqué dans les formations que procure le Smart City Institute. Ses sessions sont organisées de telle sorte à inclure trois types de participants : des mandataires publics, des intervenants du public et des acteurs académiques.
Les thématiques enseignées sont elles aussi transversales, touchant notamment aux dimensions “business”, sociétale, juridique…