La donnée au service de la résilience des territoires

Pas d’“intelligence”, pas de perspective de résilience, sans les données. Des données, par ailleurs, qui soient partagées, enrichies, par tous les acteurs du territoire – administrations, entreprises, acteurs culturels ou de l’enseignement… Voilà en substance la prémisse qui était posée lors d’une des sessions du séminaire Smart Governance.

Mais qu’en est-il sur le terrain ? La donnée est-elle réellement considérée comme une ressource et un outil majeur pour la gestion “vertueuse”, objectivée, participative, prospective du territoire ?

Le témoignage d’Etienne Métais, responsable “Engagement” de l’ONG Carbon Disclosure Project (CDP), une organisation qui publie l’impact environnemental des grandes entreprises, des villes et régions d’Europe, révélait combien les collectivités demeurent encore souvent sourdes et aveugles face aux défis environnementaux et climatiques, ne collectant et n’analysant pas suffisamment les données dont elles pourraient se saisir pour gérer, sécuriser et planifier leur territoire.

Dans le secteur public, l’ONG procède par enquêtes auprès des villes, collectant des informations sur les actions prises, les projets engagés, la veille effectuée dans une série de registres – émissions de CO2, réduction des émissions, transport, énergie, aléas climatiques et vulnérabilités, gestion des déchets…
L’ONG évalue également les ressources ou services les plus exposés – services d’urgence, éducation, environnement, transports, santé…
Les données brutes résultant de ces enquêtes sont publiées en open data. Les villes et régions qui s’y prêtent (en Belgique, seule Bruxelles a joué le jeu en 2019) reçoivent quant à elles un rapport personnalisé avec cotation par rapport à leurs actions d’adaptation ou de mitigation.

En 2019, souligne Etienne Métais, rares sont les villes européennes interrogées (177 au total) qui avaient une vision globale de leurs risques en matière d’aléas climatiques (inondations et élévation du niveau de la mer, précipitations extrêmes, températures extrêmes, tempêtes, raréfaction de l’eau, incendies, mouvements de population, …). Si l’on se place selon le prisme de l’anticipation voire de la préparation aux risques biologiques, la situation est encore plus interpellante : “seules 7 villes sur 177 avaient, avant la pandémie Covid, élaboré un plan contre les maladies aéroportées”.
Même par rapport au principal risque identifié comme tel par le plus grand nombre de villes (les inondations et l’élévation du niveau de la mer), l’enquête de CDP révèle “un manque d’engagement concret de la population et des équipes municipales, par exemple dans l’organisation d’exercices de préparation. La première mesure prise – et de loin – est la réalisation d’une cartographie du risque, avec par exemple une modélisation de la montée du niveau des eaux. Mais les mesures concrètes qui pourraient être prévues ou prises sur base de l’analyse des données (scénario de restrictions, construction d’infrastructures, gestion de crise…) sont souvent trop négligées.
Pour certains risques (chaleurs ou précipitations extrêmes), les travaux d’aménagement sont certes plus nombreux mais ne concernent qu’une trop faible proportion de villes.

La donnée pour comprendre, gérer et réagir aux chocs

La société française OpenDataSoft s’est clairement positionnée sur le terrain de l’exploitation “intelligente” des données territoriales. Ses clients sont des collectivités locales, des opérateurs de mobilité, de télécoms, d’énergie, des banques ou spécialistes de la gestion immobilière, des sociétés actives dans le monde l’Internet des Objets… “tous acteurs impliqués au quotidien dans la gestion du territoire”, souligne Clara Maximovitch-Rodaminoff, responsable commerciale pour le secteur public.

La solution SaaS OpenDataSoft

La solution de centralisation, de partage et de valorisation de données qu’a développée OpenDataSoft à destination de clients tant publics que privés se compose de trois éléments majeurs:
– collecte et agrégation de données (de toutes provenances: données métier, données temps réel, données de capteurs IoT…)
– enrichissement des données (structuration, correction de champs, déduplication, ajout de données de géolocalisation…)
– partage et mise à disposition de données (processus d’exportation, API pour réutilisation, restitution visuelle).

Lors de la crise sanitaire de 2020, OpenDataSoft a par exemple mis en œuvre un “observatoire de l’épidémie Covid” afin de mieux comprendre l’impact de la crise sur les territoires et collectivités locales, en France mais aussi en Belgique. Cet “observatoire” permet d’agréger les données, au départ de multiples indicateurs de suivi, afin d’avoir une meilleure vision 360°.
Une utilisation parallèle, analytique, de ces indicateurs permet de comprendre l’impact du Covid 19 sur la modification des habitudes de transport et de mobilité et donc de “mieux organiser et cadencer les services, imaginer de nouvelles habitudes.”

Clara Maximovitch-Rodaminoff (OpenDataSoft): “Partager et faire circuler les données permet de mieux faire face aux situations de crise, qu’elles soient d’ordre politique, économique, sanitaire… Cela permet d’accompagner la prise de décisions, d’assurer l’agilité et le bon fonctionnement des services publics, de mieux communiquer et de faire preuve de transparence.”

Faire “circuler les données”, c’est aussi adopter des pratiques plus dynamiques que la seule mise à disposition de ces données, au départ d’un portail – même si c’est déjà là un pas et un progrès significatifs.
“Trop souvent”, souligne Clara Maximovitch-Rodaminoff, “les données restent sur le portail et ne parviennent donc pas au public qui serait le plus intéressé à en prendre connaissance ou à s’en saisir”. En guise de contre-exemples vertueux, elle citait deux projets mis en œuvre lors de la crise du Covid-19 par Dunkerque et Chambéry.
La première a diffusé des infos sur son site concernant les producteurs locaux restant actifs et assurant des livraisons dans la zone. Le portail Open Data de Grand Chambéry a, de son côté, conçu une page sur le site de la Ville contenant des informations sur les “déplacements doux” (notamment en vélo) afin de fournir aux citoyens et aux visiteurs des informations thématisées selon leurs préférences. Pour la Ville, ce fut l’occasion d’adapter l’offre touristique.

“Pendant la crise du Covid-19, nous avons aidé les collectivités en améliorant nos propres produits. D’une part, en veillant à simplifier encore davantage les processus de récupération des open data – pas moins de 20.871 jeux de données ont été rendus réutilisables par des acteurs institutionnels et des collectivités – et, d’autre part, en simplifiant le processus de restitution et de diffusion des données, via l’offre de modèles de tableaux de bord réplicables et la possibilité de les intégrer dans les sites Internet.”

Du côté de la Bretagne, le Conseil régional s’est engagé dans une stratégie dite de “numérique responsable” déclinée en quatre axes:
– promouvoir un numérique “responsable et protecteur” en investissant dans des produits, services et matériels durables, réduisant l’impact environnemental
– assurer un développement numérique inclusif, avec accompagnement des citoyens et formations
– accompagner la numérisation de l’économie, avec des actions en faveur de la transition numérique des entreprises et de la croissance de filières innovantes
– concevoir des services publics numériques de proximité, avec promotion d’une stratégie de la donnée, mise en œuvre d’une architecture mutualisée pour l’offre de services inter-territoriaux, et développement des compétences numériques au sein de l’administration.

Dans le cadre de cette stratégie, notamment pour décrocher le label Numérique Responsable (octroyé par l’Institut français du Numérique Responsable), l’exploitation des données jouera un rôle pour baliser les actions et mesurer les progrès réalisés ainsi que la mise en œuvre d’actions et de projets pour les collectivités et territoires visant à minimiser autant que possible leur impact environnemental. “Mesurer la stratégie, se forger une grille de lecture de réduction d’impact permettra de mieux réfléchir à la manière dont on fait du numérique”, soulignait Hervé Le Luherne, chef de projets numériques au Conseil régional de Bretagne.

Les données serviront à mesurer et à surveiller les bonnes pratiques : éco-conception, achats informatiques responsables, conciliation entre transition numérique et transition écologique… Une politique active d’open data, au service du territoire, permettra aux agents et aux élus de mieux connaître le territoire, d’assurer la transparence de l’action publique, de centraliser des jeux de données, notamment en périodes de crise sanitaires (données épidémiologiques, économiques, relatives au fonctionnement des commerces restant ouverts…).

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Pour accéder aux programmes, comptes-rendu et contenus de toutes les éditions:

Séminaire Smart Governance 2022: Gouverner son territoire à l’ère du numérique
Séminaire Smart Governance 2021: La valorisation de l’information, pierre angulaire de la ville intelligente
Séminaire Smart Governance 2019: Gouverner ses données pour mieux gouverner son territoire
Séminaire Smart Governance 2018: La puissance de la donnée au service des territoires
Séminaire Smart Governance 2017: Comment mieux intéragir avec les citoyens