L’organisation du travail en tant que « Smart Commune »

Organiser son travail en tant que « Smart Commune »

Le “4.0” est devenu un concept prôné ou revendiqué dans tous les secteurs. Le monde public et des administrations n’y échappent pas. A l’heure de la “quatrième révolution” – industrielle ou économique -, comment les données – ouvertes, partagées, croisées, exploitées – peuvent-elles être le moteur d’une optimisation et dématérialisation plus poussée des services ?

Anthony Simonofski, chercheur au Namur Digital Institute (NaDI) de l’UNamur, rappelait que l’objectif premier de l’administration électronique doit être de “rendre les services publics plus accessibles, plus faciles, plus visibles et d’améliorer le fonctionnement interne des administrations”.
Le cheminement de “maturité numérique” est progressif, se déroulant traditionnellement en étapes successives : présence en ligne via création d’un site Internet ; possibilité pour les citoyens de télécharger quelques premiers documents ; fonctions d’envoi de documents par les citoyens ; activation de services transactionnels intégrés (réservations en ligne, paiements, suivi collaboratif de dossier…).

Pour rendre les outils mis en œuvre réellement utiles et exploitables, les administrations doivent veiller à les rendre attractifs, simples d’utilisation et efficaces pour tous les citoyens, quel que soit leur contexte ou leur profil. L’e-inclusion est une dimension indispensable, qui exige des démarches d’information, de formation, de sensibilisation, voire d’attraction.

Anthony Simonofski (UNamur): “Une stratégie d’administration électronique inclusive, en phase avec les besoins de toute la population, est un défi organisationnel, technique, politique et juridique, mais aussi et surtout une opportunité.”

Anthony Simonofski posait quatre balises:

  • une administration “ouverte”, adepte d’une bonne gouvernance, avec accès à un maximum d’informations proposées via un point unique
  • la participation citoyenne, au travers de plates-formes de participation, d’ateliers-citoyens, des réseaux locaux… afin de produire un rétro-impact sur les politiques publiques
  • le recours à des méthodes agiles, qui supposent un développement d’outils, de fonctions et de solutions “e-administration” qui s’effectue de manière itérative, par paliers progressifs, “en coopération intense avec les utilisateurs finaux – qu’ils soient agents communaux ou citoyens – afin de mieux valider la pertinence des développements et réaliser un meilleur alignement entre les besoins et les fonctionnalités développées
  • l’éducation au numérique, en activant divers lieux de sensibilisation et d’apprentissage pour le citoyen, une fois encore quel que soit son “profil”, son âge, son parcours (EPN, ateliers Coder Dojo, bornes interactives expliquant les services proposés par la commune…).

Des projets pour faciliter les démarches du citoyen

Deux intervenants à l’atelier de FuturoCité – en l’occurrence Andrea Spagnolo, business developper chez Antopolis (société qui propose des solutions de gestion en mode ERP-pour Administrations et de gestion de relation citoyen), et Stéphane Huguier, responsable du service informatique à la Ville de Wavre – ont expliqué, exemples de projets et de développement à l’appui, combien l’adaptation voire la transformation des processus internes d’une administration requiert une vision transversale.
La moindre demande du citoyen (demande de document, de permis…) déclenche, en interne, un mécanisme complexe dans lequel plusieurs services sont impliqués (population, finances, voirie, logistique, gestion d’agenda…) et où l’information doit donc circuler de manière fluide. “Le problème est souvent que chaque service fonctionne en silo, ne partage pas ses données ou informations avec les autres”, relève Andrea Spagnolo. “Cela provoque des duplications de données, un suivi incomplet, un manque d’actualisation des données et, au final, des pertes de temps, tant pour l’administration que pour le citoyen.”

Andrea Spagnolo (Antopolis): “Veiller à la transversalité procure de multiples avantages: interopérabilité, gains de temps, communications améliorées, données cohérentes et à jour.”

“Il est donc nécessaire pour l’administration de se doter d’un outil informatique qui orchestre les requêtes selon un flux logique et cohérent et que les intervenants successifs enrichissent avec leurs propres infos.”

Plusieurs conditions sont présentées comme étant essentielles par Andrea Spagnolo : une épuration préalable des processus de l’administration (ne pas choisir un outil avant d’avoir mis de l’ordre) ; une collecte de données qui soit “agnostique” par rapport aux sources et canaux de collecte de données (contacts téléphoniques avec le citoyen, courriels, base de données…) ; une structuration des données pour les homogénéiser et les rendre exploitables ; un stockage centralisé, accessible à tous les services ; un processus d’échanges et de partage des données qui évite les duplications inutiles ; et une bonne information en interne, “afin que chaque agent sache où se trouvent et comment utiliser les informations qui concernent son propre rôle et qu’il soit au courant de ce qui se passe dans les autres services.”

La première condition citée par Andrea Spagnolo – repenser et bien structurer les processus internes – fut aussi le souci premier de la Ville de Wavre dans le cadre de son vaste projet de transformation numérique et de dématérialisation de ses processus. L’objectif était de mettre en œuvre une plate-forme “permettant aux outils métier de l’administration d’interagir directement avec les citoyens et de simplifier leur usage”.

“Nous avons d’abord pensé gouvernance avant de penser outils”, souligne Stéphane Huguier, responsable du service informatique. “Quelque 250 processus ou flux ont été répertoriés et leur transformation ou adaptation priorisée selon des critères d’expérience citoyen, d’excellence opérationnelle et de complexité d’implémentation.
Les processus existants ont été analysés pour déterminer les problèmes éventuels, vérifier l’existence des documents et données, identifier les personnes-clé et faire émerger des pistes d’amélioration.
Cette démarche nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement de nos propres métiers et d’identifier plus de 75 points de complexité. Elle nous a également permis de faire évoluer la gouvernance, d’adopter une approche par projet, qui est une opportunité d’impliquer le politique, l’administration et les citoyens dans la gestion du portefeuille de solutions.”
Dans sa démarche, ne disposant pas en interne des compétences nécessaires, l’équipe de la Ville de Wavre s’est fait aider par une société de consultance “afin de pouvoir monter en compétences dans le domaine de l’analyse métier et de la gestion de projet”.
Les différents processus à améliorer ou transformer le seront de manière progressive, selon la feuille de route établie. Et une discipline de révision régulière des processus figurera à l’avenir en bonne place dans la gouvernance révisée de la Ville.

Baromètre FuturoCité : Quelle “culture de la donnée” dans les villes et communes de Wallonie ?

Cet été (de mai à juillet), FuturoCité a réalisé une nouvelle étude auprès des communes wallonnes (75 sur les 262 communes wallonnes ont répondu) sur la manière dont elles utilisent ou non les données publiques.
L’enquête portait sur quatre grands aspects : la gouvernance de la donnée au sein et par la ville ou commune, la mise en application de la directive européenne RGPD, l’open data, et la manière dont les données sont exploitées.

Lors du séminaire Smart Governance, Nicolas Installé, directeur de FuturoCité, est revenu sur quelques enseignements majeurs de cette étude.
17% [des 75 communes participantes] pratiquent l’“ouverture” de (certaines de) leurs données. On constate toutefois que même lorsque les données sont publiées ou rendues accessibles, elles n’ont pas droit au degré d’exposition et de visibilité qu’il serait utile de leur donner. Il arrive encore trop souvent que les données se cachent dans un coin obscur du site Internet de la commune.
38% des communes interrogées publient leurs jeux d’open data sur un portail (le leur ou celui de la Région wallonne). Les autres le font de manière plus ponctuelle, “sans démarche transversale”, sans réelle stratégie.

Pour celles qui pratiquent l’open data, les motivations ou les avantages identifiés sont variés. Par importance décroissante, voici quelques-unes des raisons et bénéfices qu’elles évoquent :

  • opportunité pour améliorer la qualité de leurs données
  • opportunité de plus grande transparence vis-à-vis des citoyens et des collaborateurs
  • opportunité de participation citoyenne
  • meilleure connaissance du territoire
  • meilleure collaboration en interne
  • meilleure communication vers l’extérieur…

Autre constat : pas moins de 21% des communes sondées ne comprennent pas ou méconnaissent le concept d’open data.
Quand on interroge les villes et communes sur les raisons pour lesquelles elles ne se sont pas encore lancées ou trop modérément, les arguments évoqués restent largement identiques à ceux cités lors de la précédente enquête (2018). A savoir : un manque de connaissances, d’effectifs et/ou de temps.
L’envie toutefois de se lancer semble gagner petit à petit du terrain : 5% des villes et communes sondées disent vouloir s’y mettre en 2020, 6 autres pour-cent en 2021 et 15% d’ici la fin de la mandature.

Des progrès demeurent également à faire en termes de gouvernance efficace des données. Notamment en termes de mises à jour régulières. Et il se confirme que les villes et communes demeurent demandeuses d’accompagnement, de soutien et de formation en matière d’open data.

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Pour accéder aux programmes, comptes-rendu et contenus de toutes les éditions:

Séminaire Smart Governance 2022: Gouverner son territoire à l’ère du numérique
Séminaire Smart Governance 2021: La valorisation de l’information, pierre angulaire de la ville intelligente
Séminaire Smart Governance 2019: Gouverner ses données pour mieux gouverner son territoire
Séminaire Smart Governance 2018: La puissance de la donnée au service des territoires
Séminaire Smart Governance 2017: Comment mieux intéragir avec les citoyens