La technologie n’est pas tout

La définition de “smart city” que privilégie le Smart City Institute le dit : les technologies, numériques notamment, ne sont qu’un “facilitateur”, “pour atteindre les objectifs de durabilité – économique, sociale, environnementale”.

Impliquer et (re)donner la parole aux citoyens est avant tout une démarche, une “culture”. Les plates-formes et outils numériques sont des vecteurs intéressants, en raison de leur souplesse, immédiateté et variété, mais ils ne sont que des leviers qui doivent reposer sur une volonté participative et des relais bien concrets sur le terrain.

A Mons, par exemple, le projet Demain Mons (horizon : 2025) n’a pas fait l’impasse sur les réunions en présentiel dans les quartiers et les animations de groupes de discussion sur le terrain.

C’est également le principe que fait sien le Hub Créatif “Creative Valley”, au travers d’ateliers, de conférences, de séances de brainstorming et de co-création.

Son mot d’ordre ? “Partager l’expertise de tous – professionnels, indépendants, artistes, “makers”, enseignants, créatifs… – pour booster la dynamique locale.” Du foisonnement d’idées (divergence) peuvent ainsi naître des projets plébiscités et porteurs d’adhésion (convergence).

Autre exemple de ce genre de structure animée par des citoyens : CitizenClan, une association d’“innovateurs citoyens”, tous bénévoles, “qui partagent une même ambition : celle de redonner le pouvoir et la capacité aux citoyens de s’approprier, d’imaginer, de concevoir et d’expérimenter des innovations en adéquation avec les problématiques, les besoins et les attentes citoyennes du territoire”, expliquait Ali Benfattoum, président de l’association. L’asbl se veut ouverte à tous – citoyens mais aussi TPE, PME, grands groupes, collectivités, acteurs académiques…

DIXIT

Ali Benfattoum (CitizenClan): “reconnecter des mondes qui ne se parlent plus.”

Le but : remettre l’initiative et les outils entre les mains des citoyens – “ne pas leur vendre du poisson mais leur apprendre à pêcher” – et éviter que les projets soient conçus “hors sol” et aboutissent à des “solutions” qui ont coûté cher et ne sont pas utilisées…

“Cela diminue la frustration du citoyen face à des applis et services généralement pensés comme des usines à gaz qui ne rencontrent pas leurs besoins. Cela fédère les compétences de chacun, rationalise la dépense publique et évite au système économique local de faire des erreurs. Les expérimentations sont innovantes, participatives, frugales, libres et éphémères. Les services imaginés, eux, sont réellement utiles, efficients et pérennes.”

L’initiative vient du citoyen, sur une problématique qu’il a lui-même identifiée. Il s’implique dans la création d’une réponse concrète, sert de cobaye, s’implique avec d’autres au sein de “tiger teams”, prototype l’idée. Vient ensuite, une fois le périmètre clairement défini, la recherche de partenaires commerciaux pouvant l’implémenter voire même en faire bénéficier d’autres communautés.

Exemples de solutions imaginées au sein de CitizenClan ? Une borne interactive sans contact qui déclenche des vidéos explicatives sur du mobilier proposé à la vente, une cartographie des initiatives et projets citoyens, un capteur de présence qui surveille le taux d’occupation de locaux culturels ou sportifs, un chatbot qui renseigne sur les heures d’ouverture des services municipaux, les places en crèche, les bons plans “zéro déchet” et peut faire office d’interface de sondage…

L’ambition de CitizenClan est de pousser encore plus loin le principe de la co-construction citoyenne, jusqu’à faire naître des “citizen entrepreneurship studios”, où naissent de manière plus systématique – et encadrée – des initiatives citoyennes.

Nicolas Himmer, Smart City Manager pour la Ville de Namur, estime lui aussi qu’une plate-forme de participation citoyenne ne se limite pas à une solution en-ligne. “Une participation citoyenne effective suppose la mise en œuvre de multiples outils, pas seulement virtuels. Cela inclut aussi d’autres dimensions, telles qu’un soutien aux comités de quartier, l’organisation de réunions citoyennes thématiques et, côté pouvoir local, une interrogation régulière sur ses grands projets.”

 Chimay, pour sa part, est un bel exemple d’entité qui a su impliquer ses citoyens et les associations locales sans pour autant recourir à la technologie.

La commune réserve un budget pour un appel à projets soumis par les habitants et les associations. Leur sélection est faite par les citoyens et eux seuls. Les projets qui l’emportent sont réalisés par la commune. En contrepartie, les citoyens qui ont lancé et défendu les idées retenues s’engagent à en assurer la pérennité.

En l’espace de deux ans, 43 projets ont été financés via ce “budget participatif” et ont déjà été réalisés à plus de 90%.

La technologie n’est donc pas tout. Elle peut même être contreproductive si des bases saines et solides ne sont pas posées au préalable et certaines conditions remplies. Pascal Poty, expert à l’Agence du Numérique, soulignait par exemple l’importance d’obtenir le soutien actif des autorités décisionnaires pour tout projet de participation citoyenne. “Sinon, la technologie ne sera jamais qu’une pièce rapportée. Ajouter une couche numérique sur de vieux processus ne peut que conduire à l’échec. Il faut par ailleurs toujours penser “un coup plus loin” parce que les choix technologiques deviennent rapidement obsolètes.”

Nicolas Himmer confirme cette analyse : “Même s’il doit avoir des connaissances de base en technologie, un Smart City Manager doit avant tout comprendre la manière dont un groupe de personnes et de départements fonctionnent. Plus qu’être un technologue, un Smart City Manager doit avant tout avoir des notions de sciences sociales.”

Autres qualités requises ? “Être un bon communicateur et pédagogue. Un facilitateur pour faire se rencontrer les demandes. Savoir convaincre mais, pour cela, être soi-même convaincu de l’atout que représente l’innovation.”

DIXIT

Nicolas Himmer (Ville de Namur) : “Il faut accorder trois temps différents. Celui de la technologie qui est de l’ordre de 6 mois. Celui du politique, qui est de 6 ans. Et le temps de l’administration, qui est très élastique. Entre-temps, la technologie est passée à autre chose. Il s’agit donc surtout de convaincre le politique que la technologie n’est pas la bonne porte d’entrée pour faire des territoires intelligents. Ce qui compte avant tout, c’est l’intelligence des citoyens et des acteurs. La vraie porte d’entrée est celle de l’innovation et de la co-création avec les citoyens.”

Autre condition : travailler de manière transversale, impliquer toutes les équipes, tous les services d’une administration municipale “afin de changer les pratiques.”

Nicolas Himmer : “Si un un Smart City Manager doit être un bon démineur, il doit aussi pouvoir poser des bombes pour décloisonner les départements.”

Ce concept de transversalité est également appliqué dans les formations que procure le Smart City Institute. Ses sessions sont organisées de telle sorte à inclure trois types de participants : des mandataires publics, des intervenants du public et des acteurs académiques.

Les thématiques enseignées sont elles aussi transversales, touchant notamment aux dimensions “business”, sociétale, juridique…

Page précédente

 

Accéder au contexte du séminaire

Accéder aux supports des présentations du séminaire